HYDREOS

« L’eau devient un enjeu stratégique » : Aquassay partage sa vision de la gestion de l’eau face au changement climatique

29/12/2021

Témoignage d'Aquassay, entreprise spécialiste de l’efficacité hydrique et adhérente d’HYDREOS.

Jean-Emmanuel Gilbert, Co-directeur d’Aquassay, partage avec nous sa vision de l’adaptation au changement climatique, en particulier dans la gestion de la ressource en eau au sein des entreprises et des territoires.

Qu’est-ce que la transition hydrique, et quel est son lien avec le changement climatique ?

Il va y avoir une transition hydrique, de la même manière qu’il y a eu une transition énergétique : en effet, on va vers une inadéquation de plus en plus fréquente entre les ressources en eau disponibles, à la fois en quantité et en qualité, et leurs usages, également en quantité et en qualité.

Cette inadéquation vient de plusieurs moteurs, à commencer par le changement climatique, avec une modification du cycle de l’eau : les périodes de sécheresse et d’étiage vont devenir de plus en plus longues, et les périodes de pluie vont être de plus en plus intenses. Le deuxième moteur est l’augmentation très forte des exploitations de la ressource en eau, notamment sous l’effet de la pression démographique et de l’urbanisation. Or le milieu naturel n’est pas élastique : ce n’est pas parce qu’on ajoute des humains et qu’on augmente les activités dessus qu’il grandit au fur et à mesure. Troisième moteur : la qualité. Malgré des variations entre territoires, on constate qu’a été contaminé l’essentiel des masses d’eau. C’est notable car avoir de l’eau, c’est une chose ; avoir une eau de bonne qualité, c’est très différent. Par exemple, on peut avoir de l’eau, mais qui n’est pas potabilisable pour différentes raisons.

En parallèle de l’augmentation des températures et de la fréquence des évènements extrêmes (notamment les sécheresses), en raison du changement climatique, ces trois moteurs se combinent pour créer une situation extrêmement difficile, y compris en France. Ce qu’on appelle « stress hydrique », ce n’est pas tant le nombre de m3 disponible par personne, mais une situation dans laquelle le besoin est supérieur à la ressource, aboutissant à des conflits d’usage. Dès lors, de nombreuses régions qui ont de l’eau rentrent en stress hydrique, induisant des réductions de productivité, et des dégâts qui sont parfois irréversibles.

 

Pourquoi adapter sa gestion de l’eau face au changement climatique ? En particulier, qu’est-ce que le « coût complet de l’eau » ?

De ce constat, il faut se demander : comment faire différemment ? Aujourd’hui, la stratégie de gestion de l’eau n’est pas une stratégie de gestion mais une stratégie de traitement. Ce faisant, on s’est peu occupés des questions de pertinence, d’efficience et de résilience des usages. Sur le modèle de la création de passoires thermiques, dans le domaine énergétique, on a créé des passoires hydriques, c’est-à-dire que les systèmes sont assez peu performants.

Jusqu’à présent, l’eau a été, en France, un impensé : elle a trop souvent été considérée comme inépuisable, inaltérable et quasiment gratuite. Dans un monde « open bar », le coût de l’eau est uniquement pensé en termes de coût matière / approvisionnement et de taxes, soit au niveau de la facture (les coûts « directs »). Or cette vision est la partie émergée de l’iceberg : en réalité, l’eau coûte très cher.

En prenant en compte la situation de stress hydrique, le coût de l’eau tient en vérité dans le coût des dégâts engendrés par l’absence de l’eau. Production réduite, défauts dans le produit fini, dégradation des installations … les conséquences sont nombreuses. Par exemple, un industriel agro-alimentaire client d’Aquassay a vu 60% de sa production être non-conforme en raison d’une mauvaise gestion de l’eau sur le plan qualitatif.

De plus, quand vous agissez sur le levier eau, vous agissez sur tout l’environnement qui permet l’utilisation de l’eau (tuyaux, pompes, consommation énergétique associée, etc.). Vous réduisez donc vos investissements et vos coûts d’exploitation, tout en augmentant votre productivité. En essayant de calculer le coût global de l’eau, on multiplie généralement le coût « direct » par 10 (multiple variable selon la taille du site et les secteurs d’activité). Dès lors, les stratégies d’investissement et coûts d’amortissement peuvent être pensés différemment, avec un retour sur investissement bien plus rapide qu’initialement pensé.

 

Quels besoins d’adaptation au changement climatique identifiez-vous chez vos clients ?

Aujourd’hui, les effets du changement climatique sont de plus en plus tangibles. Dans le domaine de l’eau, cela est essentiellement lié à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques, et notamment les sécheresses et les inondations.

La vraie problématique qu’on voit aujourd’hui, auprès de nos clients, c’est la sécheresse, qui engendre à la fois un problème d’alimentation en eau en amont (notamment en période de restriction) et un problème lié aux autorisations de rejet, en lien avec l’étiage qui ne permet pas la dilution du rejet dans le milieu naturel. L’enjeu est donc d’ajuster la productivité à la capacité du milieu naturel. Il est par exemple demandé à un de nos clients, dont le territoire est rentré dans une sécheresse de manière pérenne en raison de la modification du cycle de l’eau, de réduire ses prélèvements en eau de 25%, ce qui en l’état entrainerait une réduction de production de 50%.

Pour faire face à ces problématiques, la plupart de nos clients, grands groupes industriels, mettent en place des stratégies monde. Un autre exemple marquant est celui d’un de nos clients, qui a fait passer la gestion de l’eau du service HSE à la direction industrielle : cela montre que l’eau est devenue un vrai enjeu industriel  stratégique.

 

Face à ces constats, quels services proposez-vous afin d’accompagner les entreprises dans leur adaptation au changement climatique ? En particulier, quel rôle pour la gestion de la donnée ?

 La plupart du temps, l’approche analytique liée à la gestion de l’eau est erronée. Dès lors, avant de commencer à agir, il faut reposer les bases de l’analyse des flux de l’eau et de tout l’impact au niveau d’une entreprise.

La stratégie d’Aquassay est d’étudier globalement le parcours de l’eau sur un périmètre donné (site industriel, collectivité, territoire) et de s’intéresser avant tout aux usages, : il s’agit donc de cartographier les flux, les usages et les traitements de l’eau, et de se demander si l’ensemble c’est pertinent, efficient et résilient. On s’est donc tournés vers le développement de méthodes et d’outils de collecte, transmission et analyse de flux de données en temps réel. Cela permet de réaliser une cartographie technique du périmètre et une cartographie environnementale du contexte (masses d’eau, acteurs, niveau de tension, etc.). Effectivement, c’est bien d’être performant dans la gestion de l’eau au niveau de l’usine ; mais il ne faut pas oublier que celle-ci est dépendante des milieux naturels, en amont et en aval.

A partir de cette cartographie, il s’agit d’identifier les points d’amélioration et les points de risque, et de préconiser des solutions organisationnelles ou techniques, qui permettent de réduire à la fois les consommations et les pollutions produites. On fait donc de la performance, en se demandant : comment utiliser l’eau différemment, comment piloter au mieux ? Ensuite, tout ce qui n’a pas pu être réduit devra être traité en amont ou en aval.

 

Concrètement, quels projets mettez-vous actuellement en œuvre afin d’accompagner l’adaptation au changement climatique ?

Si nous accompagnons plusieurs grands groupes industriels via nos solutions de data, un nouvel axe de travail que nous sommes en train de développer se dirige vers les collectivités. Dans ce cadre, notre projet phare est « Limoges Métropole, territoire en transition hydrique » : nous proposons d’appliquer notre stratégie développée sur des périmètres industriels, à l’échelle d’une collectivité, Limoges Métropoles, puis d’élargir progressivement sur son sous bassin.

A ces échelles, il s’agit donc d’identifier les ressources et les usages et leurs variations dans le temps, mais également de voir comment cela se projette d’ici 20 à 30 ans. L’identification des problématiques saillantes va permettre de réfléchir dès maintenant à la façon d’agir auprès des acteurs du territoire, afin de réduire leur empreinte eau, améliorer les performances industrielles et des usagers, et faciliter l’adaptation aux aléas (par exemple pour éviter l’approvisionnement en eau via des camions-citernes). Globalement, il s’agit de proposer une vision systémique de la gestion de l’eau, puis un programme d’actions fondé sur la transition hydrique : l’enjeu est d’aboutir à un projet de territoire autour de la thématique de l’eau, qui contribuera à améliorer la résilience du territoire face au changement climatique.  

 

Vous vous intéressez à l’adaptation au changement climatique ? Vous souhaitez monter un projet sur ce thème ? Contactez Sophie Altmeyer : sophie.altmeyer@hydreos.fr

 

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